samedi 1 décembre 2018

Jour ... : violence médicale

Voici le mail écrit à une amie après un rendez-vous chez l'endocrinologue qui a très mal tourné...

Je le retransmets ici car il capte bien l'émotion du moment, en plus d'être hélas plutôt explicite en matière de violence médicale :


Coucou ma belle,

Je t'écris car j'ai besoin de mettre sur papier ce que je viens de vivre.

J'espère que tout va bien de ton côté.

Pour ma part, je suis encore en pleurs. Je me sens laide et plus du tout légitime. Tu sais pourtant que la vie m'était agréable depuis mon coming-out et la décision d'entamer une transition. Tu te rappelles également que mon entrevue avec le psychiatre s'était déroulée à merveille : un homme à l'écoute qui a décidé de me délivrer l'attestation en une séance. Je ne m'attendais donc pas à subir un moment aussi désagréable chez le collègue endocrinologue vers qui il m'a dirigé.
D'emblée, l'accueil était froid. J'ai reçu un "Allez, on y va" en guise de "Bonjour". J'avais pourtant eu la politesse de me présenter avec un peu d'avance alors que je suis sans voiture et que je viens de loin.

Ensuite, un véritable interrogatoire policier a débuté. La première question était "Vous travaillez ?". Je me suis demandé en quoi cela concernait un endocrinologue mais j'ai répondu honnêtement que j'avais repris des études de niveau master. Un soupir de mécontentement a suivi ma réponse. J'ai dû préciser en quoi.

Malgré que l'expertise psychiatrique ai déjà été réalisée et s'était montrée concluante, malgré que j'ai directement tendu l'attestation délivrée pour en aviser l'endocrinologue, des questions de cet ordre m'ont été posées durant les cinq premières minutes, ce qui, tu en conviendras, sors du domaine de compétence d'un endocrinologue.
Tu connais ma nature douce et conciliante, je me suis donc quand même pliée au jeu.

Hélas, c'est loin d'être le pire. Mon prénom d'usage ne lui plaisait pas et il me l'a fait savoir. Tout comme le fait que je n'ai entrepris aucune démarche à ce stade pour changer d'identité administrative. Or, je ne suis pas encore hormonée et je commence seulement à refaire ma garde-robe. Suis-je vraiment obligée de me coltiner une procédure administrative à ce stade si je ne le souhaite pas ?
Une transition ne se fait pas sur un claquement de doigts et comme les autres concerné.e.s, j'ai aussi besoin de temps.

La question de l'opération de réassignation sexuelle m'a été posée une première fois, j'ai également répondu que je réservais cette question pour plus tard, ayant d'abord et avant tout à coeur de connaître mon point de confort, c'est-à-dire d'atteindre le stade où je me sentirais bien dans mon corps. Pour connaitre d'autres personnes transidentitaires, je sais que celui-ci varie selon les personnes. Quoi de plus normal, chacun.e est différent.e !
Mais, là encore, ma réponse ne plaisait pas. La question m'a donc été reposée sur un ton autoritaire, comme si il voulait que je change mon propos.

Peut être parce que je tenais bon, l'endocrinologue s'est mis au body shaming : ma silhouette ne lui convenait également pas. Je ne vais pas t'apprendre que je suis perçue comme grande et que si on entourage mon entourage sur ma corpulence, on me dira de corpulence normale voir mince, ce qui correspond aussi à mon ressenti. Je me sens bien avec mon poids actuel et n'ai nullement l'intention de perdre du poids pour singer les mannequins ou satisfaire à une quelconque norme.

Cela a déplu à ce Monsieur qui, pour me prendre au dépourvu, m'a soudain lâché d'un ton sec : "Et votre surpoids, là, c'est depuis quand?". J'ai fait un bond en arrière.
Il a demandé de me mettre sur la balance, ce que j'ai fait.
Il s'est alors énervé sur moi, me décochant un violent :
"Putain, mais vous me foutez quoi là ?"
Est-ce bien là le langage d'un médecin universitaire ?

Il m'a alors ordonné de me mettre nue pour "me palper", ce que j'ai refusé vu son attitude envers moi et vu qu'il ne m'expliquait pas pourquoi il procédait de la sorte. Je n'avais aucun lieu où me changer, le cabinet était froid et tu sais pourtant bien que je suis loin d'être frileuse.

Face à mon refus, il s'est énervé, m'a traité de personne stupide, qu'il ne comprenait pas pourquoi son confrère psychiatre m'avait délivré l'attestation et que je devais avoir des problèmes psychologiques.
Il a justifié ce qu'il m'a fait en arguant que c'était la procédure légale. Pas de chance pour lui : je suis renseignée depuis des années à ce propos. Je le lui ai notifié. Il pestait et se retranchait derrière des arguments d'autorité : ses titres et sa maîtrise du sujet, n'ayant aucun argument juridique à m'opposer.

Je suis partie sans payer, en larmes. Suis-je allé voir un médecin ou un juge à la morale douteuse? Pourquoi ces jugements de valeur, ces questions intrusives, ces injonctions à rentrer dans les stéréotypes de genre ? Comment une personne, peu importe son expertise, peut juger qui est "une bonne trans" et qui est "une mauvaise trans" sur de tels critères ?

Marchant dans des rues que je ne connaissais pas d'une ville que je connais peu, un air triste en tête, je suis arrivée dans un quartier à la mauvaise réputation. Vu la faiblesse que je manifestais j'aurais pu me faire agresser. Je me suis d'ailleurs faite aborder une fois par une personne qui essayait de me distraire pour me subtiliser mon portefeuille ou mon gsm. Tu sais bien que cela n'arrive jamais : depuis que j'ai débuté ma transition sociale et vestimentaire, il est rare que je subisse des remarques ou de tels comportements, même si je ne serais pas "une bonne trans" pour ce spécialiste.

Je vais te laisser. Désolé de prendre un peu de ton temps. Je te remercie de te tenir à mes côtés et de me soutenir dans ma transition.

N'oublie pas que je suis également là pour toi au besoin.

À plus tard ma belle.

F.

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